Brève histoire de l’Académie, 1974 - 2005

Depuis que le cinquième secrétaire perpétuel de l'Académie, le regretté P. Costabel, a écrit ces lignes, l'Académie a tenu ses Assemblées générales tous les quatre ans, selon le rythme des congrès internationaux d'histoire des sciences désormais fixé par la Division d'histoire des sciences : après la réunion d'Edimbourg en 1977, il y eut celles de Bucarest en 1981, de Berkeley en 1985, de Hambourg et Munich en 1989, de Saragosse en 1993, de Liège en 1997, de Mexico en 2001, en attendant celle de Pékin en 2005. Le président et le conseil y ont été chaque fois renouvelés ; ont tour à tour présidé l'Académie : Rupert Hall, Mirko Grmek, Olaf Pedersen, Vincenzo Cappelletti, William Shea, et aujourd'hui John Heilbron. Les fonctions de secrétaire perpétuel ont été dévolues, après que P. Costabel se soit retiré, en 1983, à John North ; quand il s'est à son tour retiré, en 1989, c'est Jacques Roger qui a été élu, mais il est décédé prématurément, dès mars 1990 ; Emmanuel Poulle a été élu pour le remplacer.
Pour tenir compte du développement de l'histoire des sciences, dont la discipline couvre des champs de plus en plus variés et dont les adeptes sont de plus en plus nombreux et dispersés de par le monde, l'Académie a arrêté un programme, aujourd’hui rempli, d'augmentation du nombre de ses membres et convenu de l'organisation régulière de l'élection de ses nouveaux membres, tous les deux ans. Elle a d'autre part décidé d'attribuer tous les deux ans, et non plus seulement les années où elle tient son Assemblée générale, la médaille Koyré et le prix des jeunes historiens, créés en 1968.
On ne peut pas dire que, depuis vingt-cinq ans, les difficultés rencontrées par les responsables de l'Académie aient été moindres que pendant les années décrites par P. Costabel. Grâce à sa générosité et à celle de quelques autres, la série des Travaux a été poursuivie et développée, et la diligence de la rédaction des Archives a accru sensiblement le nombre des fascicules de la revue. Jusqu'en 1985, la rédaction de la revue était de la responsabilité du secrétaire perpétuel ; à cette date, pour alléger la tâche de J. North, les fonctions de secrétaire perpétuel et de rédacteur des Archives ont été dissociées, et ces dernières ont été confiées à Robert Halleux. Entre temps, la mort quasiment simultanée, en 1981, du professeur W. Hartner et de son ami qui fut si longtemps le mécène de l'Académie, événement triste par lui-même, a créé une situation de crise ; heureusement, les amis de l'Académie en Italie ont fait des propositions qui se sont révélées bénéfiques et dynamiques : l'Istituto della Enciclopedia Italiana assure l'édition des Archives, qui retrouvent ainsi à Rome le port d'attache du premier organe de l'Académie, dans les années d'Aldo Mieli.
Pendant les dix ans où il a rempli les fonctions de secrétaire administratif, M. Grmek, récemment disparu, a géré avec habileté les difficiles finances de l'Académie et mis en ordre ses archives. Il y a là un ensemble de documents qui contient l'histoire de l'Académie et par conséquent d'une partie de notre profession : il était conservé, avec la bibliothèque de l'Académie, à son siège traditionnel, 12 rue Colbert à Paris, dans le beau salon qui fut jadis celui de Mme de Lambert, mais que nous venons de quitter dans les conditions qui sont exposées ci-après ; à titre provisoire, les archives et la bibliothèque de l’Académie ont été déposées au Centre d’histoire des sciences et des techniques de Liège, où un local a été mis à notre disposition en attendant qu’une solution satisfaisante puisse être trouvée. Comme, à la fin du mandat de président de M. Grmek, aucun des officiers de l'Académie ne résidait à Paris, le bureau de l'Académie a été complété par la création d'un poste d'archiviste, ayant vocation à seconder le secrétaire perpétuel, comme l'avaient fait dans le passé le secrétaire adjoint ou le secrétaire administratif, et plus spécialement chargé de la conservation des archives et de la bibliothèque de l'Académie ; la fonction a été assurée par E. Poulle jusqu'à son élection comme secrétaire perpétuel, puis, le secrétaire perpétuel étant redevenu parisien, par Robert Halleux ; de sorte que le secrétariat de l’Académie fonctionne maintenant sur les deux pôles de Paris et de Liège, d’une façon qui s’avère satisfaisante. Lors de l'Assemblée générale de l'Académie à Hambourg, en 1989, le bureau a été complété par un trésorier, et la fonction a été confiée à Eberhard Knobloch, mais, depuis l’assemblée générale de Mexico, elle est redevenue de la responsabilité du secrétaire perpétuel.
Il a été souligné, dans les précédentes éditions de l’annuaire, combien l'installation de l'Académie dans l'ancien hôtel de Nevers restait précaire, et son sort incertain. Cette situation s’est hélas confirmée : compte tenu du mauvais état des locaux de la rue Colbert, déclarés dangereux, l’administration qui en a la responsabilité nous a priés, à l’automne 2000, d’organiser dans un avenir assez proche le déménagement de l’Académie ; c’est aujourd’hui chose faite : les archives et la bibliothèque ont été transportés à Liège, comme il a été dit ci-dessus, et le siège social de l’Académie transféré à l’Ecole des chartes, à Paris, où on nous a fait très bon accueil. L’Ecole des chartes étant un établissement d’enseignement supérieur particulièrement prestigieux, l’Académie a pu trouver dans cet accueil une consolation au regret qu’elle laisse du bâtiment qui l’a vu naître et où elle a passé soixante-dix ans de son existence .
D'autre part, l’Académie était, et est, un organisme privé, non officiel, dont l'objet est de remplir certaines fonctions dans une certaine tradition scientifique. Aujourd’hui, une partie de ces fonctions sont devenues le fait d'organismes officiels. Le contexte académique où opère l'Académie est donc complètement différent de ce dont on a gardé le souvenir : c'est une part de ce que signifie la professionnalisation de l'histoire des sciences. Et la tradition scientifique est elle-même très différente : l'aimable polymathie n'est plus de mise.
Cela étant, le meilleur espoir pour l'Académie, à l'avenir, semble découler de l'enthousiasme de ses jeunes membres pour leur profession, pour le mouvement international en histoire des sciences, et pour l'Académie en tant que réalisation de celui-ci. P. Costabel est à coup sûr dans le vrai en disant que l'Académie refleurit à chaque poussée nouvelle de la vie.

A. R. HALL
E. POULLE